Dès l’époque archaïque et même bien avant, la fabrication et la consommation d’huiles parfumées au Proche-Orient puis dans le bassin occidental de la Méditerranée, ont provoqué des trafics complexes de ces produits dont la forte valeur ajoutée a ouvert bien des voies commerciales. D’abord transportés et vendus dans des contenants de cuir et de terre cuite, parfois de pierre et de métal, les parfums ont très tôt été présentés dans des flacons de verre.
Le verre a été un des contenants les plus recherchés pour les parfums dès l’invention du verre sur noyau. Ces flacons étaient, à l’origine, réservés aux parfums de luxe du fait de leur méthode de fabrication et de leur faible contenance. La diffusion rapide de la technique du verre soufflé à partir de la fin du Ier siècle avant J.‑C. a changé la donne en abaissant les coûts et en augmentant la rapidité de la fabrication. À partir de ce moment-là, ce ne sont plus seulement quelques parfums de luxe de l’Égypte ou de la Syrie qui sont vendus dans des flacons de verre mais aussi les parfums bon marché, fabriqués localement.
Cette innovation technique formidable, qui permet d’obtenir un conteneur en matière neutre et recyclable, présente, d’un point de vue archéologique, deux inconvénients majeurs faussant notre perception des phénomènes. Le verre est partout le même et il est donc difficile, sauf en cas de vases portant des marques, de savoir si les flacons trouvés dans une ville sont de fabrication locale ou sont importés. D’autre part, le verre est recyclable à la différence de la poterie et une partie notable des objets de verre cassés était récupérée et refondue.
L’innovation introduite par le soufflage du verre nous incite donc à réfléchir sur notre perception de l’économie antique déformée par divers biais y compris la représentation différentielle des multiples catégories de témoins matériels. Notre perception de la production et du commerce du parfum est ainsi minorée par les documents à notre disposition et il faut tenir compte de certaines lacunes textuelles, épigraphiques et archéologiques pour dresser un tableau minimal de leur place effective dans l’économie et la société.
Perfumes, Cosmetics and Bottling in the Antique Economy
Since the Archaic Period and even before, perfumed oils have been manufactured and used in the Middle East, then in the western Mediterranean. Initially traded in containers made of leather or earthenware, sometime even of stone or metal, perfumes were also bottled in glass containers. Glass vials were highly valued as containers since the invention of the core-technique. The invention of glassblowing at the end of the 1st Century BC considerably reduced their cost. From then on, expensive Egyptian or Syrian perfumes as well as cheap local products were bottled in glass.
This technical invention, which produced containers in a neutral and recyclable material, has however, from an archaeological point of view, two major disadvantages. Glass being the same everywhere, it is not possible to know if bottles found in a city were made locally or imported (except for branded bottles). Since glass is easily recyclable, a significant quantity of used and broken vessels were collected and remelted.
Glassblowing encourages us to rethink our perception of the economy of Antiquity as our analyses are biased by the material findings. Our understanding of the production and trade of perfumes is probably understated by the documentation. To put glass into its proper context within the economy and society, we need always to bear in mind the lack of texts, epigraphy and archaeological remains.
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Cet article a été publié dans Flacons, fioles et fiasques. De l’Antiquité à nos jours. Les Cahiers de Verre & Histoire no 3, Actes du troisième colloque international de l’Association Verre & Histoire, Rouen-Vallée de la Bresle, 4-6 avril 2013, Carré A.-L. et Lagabrielle S. (dir.), Paris : Éd. Verre & Histoire, mai 2019, p. 15-26.
Archéologue, Jean-Pierre Brun a consacré sa thèse à l’huile et au vin dans la Méditerranée antique avant de se spécialiser dans l’étude des vestiges d’activités économiques grecques et romaines. Il est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Techniques et économies de la Méditerranée antique.
Le colloque de Rouen consacré aux flacons, fioles et fiasques dans l’histoire offre l’occasion d’examiner les rapports entre les huiles parfumées, les cosmétiques et les flacons dans l’Antiquité, en rappelant les avancées que le flaconnage en verre permit à l’artisanat et au commerce des parfums mais aussi les limitations que la généralisation du verre soufflé produisent sur notre perception des phénomènes par l’archéologie1.
Des parfums omniprésents [2]
Les parfums remplissent des fonctions variées dès le Néolithique au Proche-Orient, une époque où les sociétés humaines se complexifient et se stratifient. Ils sont d’abord une arme de séduction masquant ou renforçant, selon les cultures, les aires géographiques et les périodes, les odeurs corporelles des femmes et des hommes dans leurs rapports les plus fondamentaux3. Ces fluctuations, qui ont dû exister dans l’Antiquité, restent inconnues faute de sources permettant de suivre les modes et révélant des évolutions culturelles telles celles évoquées par Alain Corbin dans Le miasme et la jonquille pour les XVIIIe et XIXe siècles4. Malgré le biais de notre perception dû à la nature des plus anciens documents, le plus souvent religieux ou comptables, qui nous sont parvenus, il ne fait pas de doute que cette fonction génésique est la base du développement de l’emploi des parfums et que tous les autres usages découlent de cette fonction première.
Les parfums sont aussi, dès les origines, un moyen de distinction sociale ; ils furent d’abord réservés aux rois et à leur entourage aux IIIe et IIe millénaires, puis aux aristocrates. On voit nettement ce phénomène en action dans le bassin occidental de la Méditerranée à l’époque archaïque avec le dépôt de vases à parfum et des coupes à boire qui qualifient les tombes aristocratiques. L’usage des parfums se démocratise à partir du Ve siècle avant J.‑C. Dès lors, s’établissent des gammes de parfums, signatures olfactives du rang social, certaines huiles parfumées aisées et peu coûteuses à produire étant abordables pour les pauvres, d’autres étant réservées, de par leur prix, aux aristocrates qui, à la période romaine, n’hésitaient pas à mettre différents parfums plusieurs fois par jour. Pline rapporte le drame du frère de L. Plancus, L. Plotius qui, proscrit par les triumvirs, fut trahi dans sa cachette de Salerne par l’odeur des parfums qu’il portait (XIII, 24).
Les parfums furent aussi, dès les temps les plus reculés, les vecteurs de l’adoration des dieux. Le mot même per fumum implique des odeurs que les fumées emportent vers les cieux pour être agréables aux divinités : ce sont les bois et les résines odorantes qu’on fait brûler sur les autels. Mais les dieux ne se contentaient pas de fumées, ils voulaient aussi des onctions. Ainsi les huiles parfumées étaient-elles régulièrement employées pour oindre les statues de culte ou les pierres sacrées placées aux carrefours.
Les parfums tenaient aussi une place centrale dans les funérailles, que ce soit pour préparer le corps pour le voyage dans l’au-delà5, pour honorer la mémoire des défunts en parant la stèle funéraire ou pour recréer dans la tombe les conditions d’une vie agréable à l’image de la vie rêvée du défunt, succession de banquets nécessitant des amphores vinaires, des coupes à boire et des flacons pour se parfumer.
Enfin, les parfums étaient des médicaments, à dire vrai pratiquement les seuls avec les vins et les simples, que la pharmacopée antique connût. Les processus de fabrication de la parfumerie antique aboutissent généralement à des onguents utilisés aussi bien pour soigner que pour se parer et il est significatif que les seules recettes conservées soient transcrites dans des traités de médecine, surtout le De materia medica de Dioscoride au Ier siècle de notre ère. Du Corpus hippocratique à Galien au IIe siècle, puis aux médecins de l’Antiquité tardive Aetius d’Amida ou Alexandre de Tralles, l’huile parfumée est un médicament aussi largement employé que le vin dont l’alcool dissous de nombreuses substances.
Il faut donc distinguer d’emblée les parfums à brûler, surtout, à partir de l’époque archaïque, l’encens que les peuples méditerranéens achètent aux marchands arabes, des parfums liquides dont on s’enduit le corps. Ce sont ceux-là qui nous intéressent aujourd’hui car seuls susceptibles d’être contenus dans des flacons.
La fabrication des huiles parfumées
Les parfums à oindre étaient principalement préparés à base d’huiles végétales sur lesquelles l’artisan fixait les odeurs par macération à froid ou à chaud. Ces huiles étaient extraites des graines de sésame, des amandes, des noix de ben, Moringa peregrina, employées pour les parfums les plus chers comme le Parfum royal utilisant 24 aromates exotiques (Pline XIII, 17-18) et, plus communément en Méditerranée, des olives. Ces dernières étaient cueillies vertes ou au début de leur maturité afin de donner une huile peu odorante susceptible de s’imprégner des senteurs aromatiques sans conférer une dominante au produit fini. Les eaux et essences obtenues par distillation n’ont guère été employées alors même que des systèmes de distillation primitifs mais efficaces étaient connus depuis l’âge du Bronze.
Les ateliers de parfumeurs où se déroulait l’étape essentielle de la combinaison des matières odorantes locales et importées sont mal connus. On en suppose l’existence à Chamalevri en Crète au Minoen Moyen IA (2160-2000 avant J.‑C.) et à Pyrgos-Mavroraki à Chypre au Bronze Moyen (vers 1850 avant J.‑C.)6. Puis nous n’avons plus aucun témoignage archéologique jusqu’aux installations de l’île de Délos datables de la fin du IIe siècle et du début du Ier siècle avant J.‑C. Il faut chercher l’explication de cette lacune d’une part dans le manque de soin des fouilles anciennes qui ont dégagé les centres des cités et d’autre part dans la difficulté d’interpréter des traces fugaces et ambiguës. En effet, durant les périodes archaïque et classique, les ateliers de parfumeurs devaient ressembler à des cuisines. L’instrument le plus évident, le pressoir, devait être le plus souvent un simple sac qu’on tordait comme le montrent les bas-reliefs égyptiens. Il faut attendre une augmentation significative de la production, à l’époque hellénistique, pour voir les premiers pressoirs bâtis qui semblent avoir été des appareils verticaux, formés d’un cadre de bois dans lequel on insérait des coins [fig. 1 et 2]. Au Ier siècle de notre ère, des ateliers de parfumeurs sont archéologiquement attestés à Pompéi, Herculanum, Paestum et Jérusalem7.
Ces ateliers sont caractérisés par des pressoirs verticaux, à coins ou à vis, des cuves et des amas de flacons. Ainsi, la fouille réalisée en 2011 dans l’atelier de parfumeur VII, 4, 28 à Pompéi a mis au jour une fosse remplie de flacons de terre cuite remontant à la fin du IIe siècle avant J.‑C.
La matière des flacons
Du fait de la rareté des installations identifiées et de la déficience des sources antiques conservées, (quelques notations chez Pline et chez Athénée XV, 688-689 citant Apollonios, Sur les parfums) et faute d’indications plus précises et plus continues quant aux datations, l’histoire des parfums dans l’Antiquité se fonde surtout sur l’étude des flacons d’abord en céramique bien avant ceux en verre. Mais il faut rappeler que les parfums pouvaient être commercialisés dans des contenants faits d’autres matières : en cuir, en bois, en corne et en ivoire, en métal et en pierre.
Les huiles parfumées étaient plus souvent qu’on ne pense conservées dans des gourdes de cuir. Lorsque les Étrusques ont emprunté au grec un mot pour désigner les flacons à parfums, ils ont choisi le terme askos, ce qui implique qu’une partie des parfums de l’époque archaïque arrivait en Étrurie dans des contenants de peaux8. Ce type de contenant, sporadiquement attesté tout au long de l’Antiquité, devait être relativement courant. En 86 avant J.‑C. lors du siège d’Athènes par Sylla, les assiégés étaient contraints de manger des herbes sauvages bouillies avec des semelles et des lécythes de cuir (Plutarque, Sylla XIII, 3). Les parfums étaient souvent transportés dans des outres en peau. Selon Pline XII, 81, les Arabes venaient chercher le styrax en Syrie dans des outres9 et des parfums étaient transportés dans des outres à travers le désert : le tarif de la douane de Palmyre indique qu’on prélève une taxe sur les outres contenant des huiles parfumées.
De petites boîtes de bois cylindriques étaient aussi employées pour contenir des aromates et des parfums selon les archives de la colonie juive d’Éléphantine (Ve siècle avant J.‑C.)10. L’épave de Pozzino B qui coula au large de Populonia au IIe siècle en contenait un grand nombre. Les cornes ont été utilisées : Juvénal, VII, 129-133 et Martial, XIV, 52 rapportent que des cornes de rhinocéros étaient exhibées par de riches romains se rendant aux bains. L’usage de l’ivoire est aussi connu.
Bien entendu, les contenants en métal, en plomb, en bronze, en argent et en or offraient d’excellents écrins pour les parfums destinés aux rois et aux aristocrates. De l’Odyssée, VI, 79 où Nausicaa emporte avec elle un lécythe d’or à l’Agrigente de la fin du Ve et du début du IVe siècle où, selon Diodore de Sicile (XIII, 82, 8), les citoyens possédaient dès leur jeune âge des lécythes d’or et d’argent, on trouve une abondance de témoignages littéraires du goût pour les flacons en métaux mais, comme ils ont été le plus souvent fondus, leur représentation dans les collections archéologiques n’est pas à la hauteur de leur importance originelle.
Enfin, comme Théophraste (Od. 41) et Pline (XIII, 19) l’écrivent, l’albâtre est la matière qui convient le mieux pour conserver les parfums [fig. 3] et certains parfums égyptiens et leurs imitations italiennes étaient expédiés dans des alabastres dont la forme a été copiée en céramique.
Les flacons en céramique et l’histoire des parfums au Ier millénaire avant J.‑C.
Bien qu’au cours du Ier millénaire avant J.‑C., les contenants évoqués plus haut aient été souvent utilisés, ce sont les flacons en céramique : aryballes, alabastres, lécythes et vases plastiques qui se sont conservés en plus grand nombre et qui aident à retracer les grands courants commerciaux.
Au début du Ier millénaire, dans la tradition de l’âge du Bronze, les puissants se servent des parfums pour leur usage personnel et pour les rituels divins et funéraires. Dans l’Illiade et l’Odyssée, les déesses et les reines s’en enduisent, les cadavres en sont oints.
À partir du VIIIe siècle, l’usage des parfums se répand dans les cercles aristocratiques ; on se parfume pour prendre part aux banquets. Dans l’Italie des premiers temps de la colonisation grecque, sur l’île d’Ischia, dans la tombe 168 de Pithécusses vers 720 avant J.‑C., l’association de la coupe de Nestor et de six flacons à parfum évoque la tenue des banquets aristocratiques11. Les dédicaces sur les flacons, notamment en Étrurie, attestent du double symbole de distinction aristocratique qu’étaient alors la connaissance de l’écriture et le don ostentatoire des parfums dont l’approvisionnement était déjà fort varié. Plusieurs grands centres producteurs coexistent à cette période : l’Égypte, Chypre, Rhodes, l’Anatolie, Sparte et Corinthe.
L’Égypte donnait le ton avec ses parfums expédiés dans des flacons de faïence, de verre sur noyau connus depuis le Nouvel Empire12 et dans des vases d’albâtre qui furent imités en céramique d’abord au Moyen-Orient, puis à Corinthe et un peu partout. Chypre vendait des huiles parfumées dans des flacons décorés du style Spaghetti. Rhodes connut à partir du début du VIe siècle une certaine renommée avec ses parfums exportés dans des vases en forme de hérisson, de grenade, de casque, de lapin, parfois recouverts d’une glaçure vitrifiée ; à partir de la fin du VIe siècle, on y produit aussi des flacons de verre sur noyau, en forme d’alabastre, d’amphorisque et d’aryballe13 qui ont été exportés très loin mais en petites quantités. En revanche, Corinthe qui fut le principal centre des parfums de l’époque orientalisante et archaïque a produit uniquement d’innombrables alabastres, aryballes et vases plastiques exportés partout dans le monde méditerranéen, surtout en Occident. Massivement répandus en Italie entre 725 et le début du VIe siècle, ils y ont été copiés à partir du milieu du VIIe siècle notamment en Étrurie. Cette production de flacons étrusques fut d’abord réalisée en céramique bucchero nero puis, à la fin du VIIe et dans la première moitié du VIe siècle, en céramique à pâte claire décorée de peintures imitant les originaux. La fabrication de ces flacons, très abondants à partir de la fin du VIIe siècle, témoigne de l’essor d’une production des parfums en Italie, en Étrurie même, et en Campanie sous domination étrusque. De la fin du VIe et jusqu’au IVe siècle, Athènes a exporté de grandes quantités d’huile parfumée dans des lécythes et quelques rares alabastres, probablement destinés à des parfums de plus grand prix.
À partir de la période classique, on assiste à un triple phénomène : la démocratisation de l’usage des parfums, la production dans chaque ville de parfums de base destinés à une clientèle grandissante et la complexification de certains parfums destinés à maintenir une distance entre les parfums vulgaires, à base de produits locaux, et les parfums aristocratiques, incluant de coûteux aromates exotiques. Cela implique donc une fabrication locale en plein essor dont on possède des témoignages littéraires : à Athènes, au IVe siècle, les discours d’Hypéride et d’Anaxandrides (chez Athénée XV, 40) indiquent que les parfumeurs étaient souvent des métèques, certains originaires d’Égypte. L’archéologie de son côté montre, à partir du IIIe siècle, le remplacement généralisé des flacons luxueux et décorés par des flacons de terre cuite sans décor, produits localement et en très grand nombre [fig. 4]. Ce remplacement marque une mutation : désormais, la grande majorité des parfums, moins chers et largement diffusés dans la population, est produite sur place et vendue à bas prix dans des flacons anonymes. Au IIe siècle avant J.‑C., Plaute se moque de cette huile de jonc dont s’enduisent les prostituées14.
Bien entendu des parfums de luxe exotiques continuaient d’être produits et commercialisés, mais dans des flacons en métal précieux ou en pierre. La tombe récemment fouillée de Thana Presnti Plecunia Umranalisa à Chiusi en Étrurie en offre un exemple15 [fig. 5]. Cette dame qui vécut durant la seconde moitié du IIe siècle s’est fait enterrer avec un coffret de bois plaqué d’os contenant un alabastre de pierre contenant un parfum précieux ; par ce dépôt, sa famille voulait souligner son rang social supérieur. Ce sont ces parfums importés d’Orient qui marquent donc la différence sociale et les pratiques ostentatoires de l’aristocratie romaine en la matière entraînèrent leur interdiction lors de la censure de P. Licinius Crassus et L. Julius Caesar en 89 avant J.‑C. (Pline N. H. XIII, 24). Est-il utile de rappeler que cette interdiction ne nuit en rien à leur attractivité ?
Flacons de verre soufflé et parfumeurs durant l’Empire romain
À partir du règne d’Auguste, la généralisation du verre soufflé, très largement utilisé pour les flacons à parfums en Italie, puis partout dans l’Empire, enlève tout espoir de retracer les voies du commerce du parfum par la diffusion des flacons, à quelques exceptions près que sont les flacons portant des marques. Comme les flacons de parfum en verre sont rares dans les épaves de l’époque impériale, qu’on ne connaît en fait aucune cargaison de vases à parfum, comme l’avait déjà vu V. Anderson-Stojanović dans un article en 198716 et que chaque ville, même petite, avait un ou plusieurs ateliers de verriers produisant des unguentaria, on peut avancer que les parfums étaient fabriqués localement à l’exception des parfums très spécifiques et très luxueux. Même les parfums « orientaux » étaient faits en Occident, souvent par des parfumeurs d’origine orientale. D’un point de vue archéologique, nous avons des preuves de l’existence de parfumeries groupées dans des rues ou des endroits en vue des cités, à Pompéi et à Paestum. Par la littérature et l’épigraphie, nous savons que la Sacra Via et le vicus unguentarius étaient des quartiers de parfumeurs à Rome17. À Capoue, les parfumeurs étaient groupés autour d’une place nommée Seplasia18. À Pouzzoles, en 337-342, l’inscription de Mavortius conservée au Musée de Mariemont [fig. 6] indique que les parfumeurs partageaient un quartier avec les verriers ; cette association topographique devait remonter haut dans le temps19. En Grèce, lorsque Pausanias décrit la Béotie, il rapporte que les parfumeurs de Chéronée produisent localement des parfums à base de lys, de narcisse, d’iris et de rose (Pausanias, 9, 41, 7).
Cette floraison d’ateliers s’explique par une augmentation de la consommation des parfums qui atteint toutes les couches de la société : il n’y a guère de tombes du Haut-Empire qui ne contiennent des vases à parfum [fig. 7]. Mais en dehors des tombes, la présence des flacons dans les habitats doit être mieux évaluée. Comme le verre est recyclable à la différence de la poterie, une partie notable des objets de verre cassés étaient récupérés et refondus ce qui fausse les proportions par rapport à la céramique. Les archéologues doivent donc recueillir et inventorier tous les petits fragments qui témoignent d’objets perdus afin de restituer le nombre minimum d’individus auxquels ces fragments correspondent.
La multiplication des thermes dans toutes les villes, toutes les bourgades, toutes les villae, tous les camps militaires a entraîné une augmentation considérable de la consommation des huiles parfumées. On ne concevait pas en effet de se rendre aux thermes sans sa fiole pour s’en enduire après le bain et pour se faire masser [fig. 8]. À Rome, seule ville pour laquelle nous disposons de chiffres, le nombre des établissements de bains est passé de 194 sous Auguste à 956 au IVe siècle. Cette évolution culturelle profonde s’est accompagnée d’une augmentation de la consommation des parfums. Dans la partie occidentale de l’Empire, près de 60 inscriptions mentionnent des parfumeurs le plus souvent dans les grandes villes, mais quelquefois dans des lieux reculés et assez souvent auprès des armées. Ces inscriptions, le plus souvent funéraires, signalent seulement les plus fortunés d’entre eux principalement au Ier siècle avant J.‑C. et durant les deux premiers siècles de l’Empire. Ces parfumeurs, thurarii, unguentarii et seplasiarii, sont souvent des affranchis, mais il est normal que les inscriptions mentionnent le métier des affranchis car c’est pour eux la seule façon d’affirmer leur place dans une société qui se refuse à les intégrer pleinement même lorsqu’ils ont fait fortune20. Des parfumeurs s’enrichissaient indubitablement ; certains, tel Cosmus cité plusieurs fois par Martial, acquirent une enviable célébrité à Rome21, mais les inscriptions ne nous apprennent pas comment se répartissaient les profits entre les fabricants, les propriétaires fonciers fournissant les matières premières, les huiles, les fleurs et les commerçants au long cours tels les Peticii ou les Calpurnii liés au grand commerce avec l’Arabie et l’Inde. Le contrôle exercé par les élites sur la vie économique laisse penser qu’une part notable de profits revenait aux patrons, soit directement si le parfumeur était esclave, soit par l’intermédiaire de loyers, de prêts et d’héritage s’il avait été affranchi22.
La multiplication et la prospérité des parfumeurs du Haut-Empire sont des signes de l’augmentation de l’usage des parfums dont il faut dégager la signification et la mettre en parallèle avec d’autres indicateurs. L’époque hellénistique et le Haut-Empire ont vu une hausse des prix, notamment des esclaves. Comme W. Jongman l’a souligné à plusieurs reprises, cette hausse du prix des esclaves reflète la hausse du coût de la main-d’œuvre et donc montre une amélioration du niveau de vie moyen de la population23. À ce titre l’usage grandissant des parfums tant pour la vie courante, pour se parer et se soigner que pour les pratiques funéraires, témoigne de cette amélioration, qui accompagne celle de l’habitat, de l’équipement des maisons, notamment par la batterie de cuisine, et de la nourriture qu’il est désormais possible d’appréhender par les études amphorologiques, archéozoologiques et carpologiques montrant une diversification des nourritures et une plus grande consommation de viandes, d’huile et de vin. Il est vraisemblable qu’une certaine amélioration de l’habillement s’est également généralisée expliquant le grand développement de centres textiles tels que Canusium dans les Pouilles et Patavium dans la vallée du Pô24.
Pour cerner mieux les fluctuations régionales et chronologiques de la production et la consommation des parfums, il faudrait disposer de comptages systématiques des flacons par rapport à l’ensemble de la vaisselle considérée comme un bien moins élastique.
Prenons un exemple que l’on pourrait presque qualifier d’in vitro : celui des forts de l’armée romaine en Égypte25. Ce sont des lieux privilégiés malgré leur isolement car les soldats qui y étaient stationnés avaient un pouvoir d’achat relativement important. Certes, ils font face à des difficultés d’approvisionnement, étant loin de la vallée du Nil et des villes, mais ils passent commande à des marchands qui sont à même d’assurer les livraisons dans le désert. Ces sites sont importants pour nous car la quasi-totalité des verres utilisés dans la vie courante y est conservée. Du début du IIe au milieu du IIIe siècle, la proportion des objets en verre par rapport à l’ensemble des vases (sauf les amphores) est de 5 à 8 % environ. À l’intérieur de la catégorie des objets en verre, les flacons à parfums représentent 25 à 45 %26. À côté d’eux, l’Égypte continue de produire des parfums conservés dans des flacons en terre cuite non décorés ; leur proportion est faible (entre 10 et 17 % du total des flacons).
Il faudrait multiplier les enquêtes de ce type dans le temps et l’espace pour mesurer la proportion des flacons de verre et son évolution. Ce pourrait être l’objet d’une banque de données concernant les sites sur lesquels on dispose d’une documentation fiable. À ce titre, Pompéi pourrait jouer un rôle au moins pour les fouilles réalisées après la Deuxième Guerre mondiale dont on peut espérer que les inventaires sont fiables.
Flacons et parfums durant l’Antiquité tardive
L’évolution de la production des parfums au cours des quatre siècles de l’Empire en Occident et au cours de l’Antiquité tardive ne nous est connue que par les flacons. En effet, à partir du IIe siècle, nous ne disposons plus d’installations de production, sauf probablement à Paestum, et les inscriptions deviennent plus rares. La question se pose de savoir si l’usage des parfums dans toutes ses composantes citées plus haut diminue ou non. Plusieurs paramètres sont à considérer.
En 301, l’Édit sur les prix donne les prix de 40 aromates, la plupart exotiques, et 10 huiles parfumées dont l’huile à la marjolaine (la plus chère à 100 deniers) et l’huile de pavot (20 deniers) en passant par deux qualités d’huile à la rose. L’impression qu’on en retire est que les parfums les moins chers sont encore relativement abordables pour l’ensemble de la population, puisque l’huile de pavot coûte un peu moins qu’une journée de salaire d’un ouvrier agricole. La fréquentation assidue des thermes jusqu’au début du Ve siècle au moins est-elle un indice d’utilisation des parfums ou bien y a-t-il découplage entre les deux phénomènes ?
La question se pose car les facteurs favorables qui manifestaient une certaine hausse du revenu per capita au Haut-Empire s’inversent dans le courant du IIe et surtout au IIIe siècle. L’alourdissement considérable des charges financières qui pèsent sur les citoyens pauvres, c’est-à-dire, à partir de 212 sur l’ensemble des hommes libres de l’Empire, entraîne leur déclassement social marqué par l’évolution du droit applicable aux humiliores. La baisse de valeur des esclaves attestée dans l’Édit sur les prix de 30127, reflète une plus grande disponibilité de la main-d’œuvre libre et donc un abaissement du niveau de rémunération des travailleurs pauvres qui se substituent progressivement aux esclaves. On doit donc s’attendre à une baisse des quantités et des qualités de nourriture, à une dégradation de l’habitat et de l’habillement des humbles et aussi à une moindre consommation des parfums. L’archéologie apporte-t-elle des données qui seraient cohérentes avec ce modèle ?
En Gaule, le déclin de l’usage des parfums dans les classes populaires a commencé dès le IIe siècle. À Lyon et Saint-Paul-Trois-Châteaux dans la nécropole du Valladas, le dépôt de flacons à parfum, très fréquent au Ier siècle, diminue fortement dès le IIe siècle et disparaît au IIIe siècle28.
Là encore ce seront les comptages mis en série qui permettront de répondre à cette question, mais il faudra aussi prendre en compte des facteurs culturels et religieux.
Quel a été le poids de la prédication de certains Pères de l’Église qui ont stigmatisé l’usage des parfums ? Tertullien fustige le port de vêtements de luxe et de bijoux dans le De habitu muliebri et l’usage des parfums et du maquillage dans le De cultu feminarum. Clément d’Alexandrie entend réserver les parfums à des fins pieuses ou médicales (Pédagogue VIII, 67, 2 et 68, 3). Mais lorsque le christianisme s’est répandu dans les classes supérieures de la société, il a fallu qu’il compose avec l’usage des parfums trop ancré dans la culture de la toilette féminine pour en être éradiqué. Au début du IIIe siècle, le droit, sous la plume d’Ulpien, avait d’ailleurs intégré les parfums dans l’attirail qui est nécessaire aux femmes pour soigner leur corps29. Les pratiques funéraires et sacerdotales, héritières de la tradition ne pouvaient s’en passer : on brûlait de l’encens sur l’autel, on enduisait les corps des défunts et on oignait les prêtres.
Ces facteurs ont pu concourir à maintenir l’usage des parfums jusqu’à la fin du IVe siècle malgré l’appauvrissement généralisé et la diffusion du christianisme, mais il semble que cet usage se soit restreint aux catégories sociales favorisées. À partir du Ve siècle, on assiste à un net déclin en Occident. Même dans la ville de Rome, pourtant encore privilégiée, la part des vases à parfum diminue progressivement dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge. À la Crypta Balbi, dans des niveaux des VIe–VIIe siècles de notre ère, on a mis au jour quelques bouteilles en verre à corps globulaire qui sont certainement des vases à parfum, peut-être des productions locales et quelques importations d’Orient, surtout de la côte de l’Asie mineure dans des flacons en céramique30. Les flacons à parfums sont encore présents dans le dépôt du forum de Nerva de la fin du VIIe-début du VIIIe siècle31, mais ils disparaissent au cours du VIIIe siècle. Par la suite, tant le mobilier de la Crypta Balbi que celui des forums impériaux ne livrent pratiquement plus de flacons à parfum en verre, et pas du tout en céramique. Pourtant une production locale de parfum a continué d’exister au moins pour les besoins religieux et médicaux. Au Moyen Âge, on pratiquait des onctions liturgiques à base d’huile et de baume pour préparer les morts, pour le baptême, l’ordination des prêtres, la consécration des églises Ces huiles étaient fabriquées dans les évêchés et les monastères à partir de produits locaux32.
L’archéologie des parfums
Le sort des parfums antiques est donc lié au destin de la civilisation urbaine ; leur usage s’étend et se rétracte au-delà des cercles aristocratiques en fonction des variations du niveau de vie de la population pauvre. Leur usage s’accroît fortement avec l’urbanisation grecque, puis la diffusion du modèle urbain imposé par Rome à l’ensemble de la Méditerranée et de l’Europe. Le parfum suit les légions et les bâtisseurs ; leur mode est portée par les élites qui imitent celles de Rome et de l’Italie. Son usage régresse de la même façon, de la seconde moitié du IIe et au IIIe siècle et cesse pratiquement dans la partie occidentale de l’Empire à partir du Ve siècle sauf dans quelques lieux privilégiés, tels que Rome et les résidences aristocratiques. Les parfums ne sont plus systématiquement déposés dans les tombes, puis plus du tout et la disparition des thermes entraîne avec elle celle des huiles odorantes ; la désorganisation des circuits commerciaux rend incertaine l’importation des aromates exotiques qui sont désormais réservés aux usages cultuels et à la haute aristocratie.
D’un point de vue archéologique, l’innovation introduite par le verre soufflé nous incite à réfléchir sur notre perception de l’économie antique durant l’Empire romain. Nous savons depuis longtemps que les sources écrites et épigraphiques ne nous donnent qu’une vision partielle et déformée de l’appareil de production et des flux commerciaux. Depuis la dernière guerre, les archéologues ont compensé progressivement ce handicap en quantifiant les emballages céramiques, principalement les amphores, pour écrire une autre histoire fondée sur la documentation matérielle. Mais on s’est aperçu que l’utilisation ubiquiste des outres et la diffusion du tonneau dès le Ier siècle avant J.‑C. au moins en Gaule Cisalpine, en Gaule Transalpine et dans la Péninsule Ibérique, occultaient une part considérable de la production et du commerce du vin33. Il en est de même d’autres produits comme l’alun34.
Pour l’artisanat des parfums, il faut donc être conscient de ce biais de notre perception par le recyclage. Si l’usage des parfums lors des funérailles est le mieux documenté, c’est qu’il y a dépôt volontaire et jamais de récupération. Dans les habitats, mais aussi dans les thermes, la situation est inverse ce qui induit une minoration de l’usage quotidien et profane des parfums. Par ailleurs, l’impossibilité de suivre d’éventuels transports de flacons de verre d’un bout à l’autre de la Méditerranée comme on le faisait pour les vases à parfums en céramique rend l’étude du commerce du parfum impossible à partir du Ier siècle de notre ère. Les indices dont nous disposons — difficulté de stabiliser et conserver les parfums sans qu’ils rancissent, quasi-absence de flacons dans les épaves de l’époque impériale, multiplication des officines de parfumeurs et de verriers dans les agglomérations — nous conduisent à supposer que la très grande majorité des huiles parfumées étaient fabriquées localement par des artisans souvent d’origine orientale qui profitaient de leurs relations familiales et ethniques pour s’approvisionner en matières premières exotiques. Seules ces matières premières, les résines, les écorces, les graines, voyageaient avec probablement certains parfums de grand prix dont leur préciosité allait de pair avec celle des contenants souvent en métaux précieux, ce qui explique leur disparition. Écrire dans ces conditions une histoire conjointe des parfums et des flacons à l’époque romaine impériale est donc un exercice difficile qui implique la mise en commun de nombreux comptages si l’on veut dépasser le stade de l’étude de l’évolution des fioles de verre désormais établie dans ses grandes lignes.
Jean-Pierre Brun
Figures
Notes
1. ↑ Je suis redevable à Philippe Walter de l’inclusion des cosmétiques dans la problématique du flaconnage. Il a montré en effet dans plusieurs articles et, à nouveau à l’occasion du colloque de Rouen, que certaines catégories de flacons traditionnellement attribués aux parfums contenaient généralement des cosmétiques (poudres pour fond de teint, noir pour les yeux). C’est le cas pour les flacons en forme d’oiseaux, pour les ampoules sphériques et aussi pour tous les flacons tubulaires qui contenaient des poudres qu’on extrayait avec des tiges. En conséquence, comme la recherche n’est pas encore assez avancée pour qu’on puisse identifier sûrement toutes les catégories de flacons que l’on prend en compte, il faut élargir le sujet aux cosmétiques.
2. ↑ La littérature sur les parfums antiques est devenue très abondante ces dernières années. Je cite seulement les recueils ou synthèses récentes : P. Faure, Parfums et aromates de l’Antiquité, Paris, Fayard, 1987 ; G. Squillace, Il profumo nel mondo antico. Con la prima traduzione italiana del “Sugli odori” di Teofrasto, Florence, éd. L. S. Olschki, 2010 ; A. Verbanck-Piérard, N. Massar, D. Frère (éds.), Parfums de l’Antiquité. La rose et l’encens en Méditerranée, catalogue de l’exposition, Musée royal de Mariemont, 7 juin-30 novembre 2008 ; D. Frère, L. Hugot (éds.), Les huiles parfumées en Méditerranée occidentale et en Gaule, VIIIe s. avant J.‑C.-VIIIe s. après J.‑C., Rennes / Naples, PUR / Centre Jean Bérard, 2012 ; A. Carannante, M. D’Acunto (eds.), I profumi nelle società antiche. Produzione, commercio, usi, valori simbolici, Paestum, Pandemos, 2012.
3. ↑ Sur les odeurs des corps et l’effet des parfums, voir D. M. Stoddart, The Scented Ape. The Biology and Culture of Human Odour, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
4. ↑ A. Corbin, Le miasme et la jonquille : l’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe–XIXe siècles, Paris, Flammarion, 1986, p. 259-293. A. Corbin montre une évolution rapide des parfums en fonction des moments politiques — les parfums musqués étant préférés sous l’Empire et les parfums floraux revenant en grâce sous la Restauration — et de l’évolution culturelle sacralisant la jeune fille bourgeoise au XIXe siècle.
5. ↑ Cet usage bien connu par les textes et l’iconographie (voir mon cours sur les parfums au Collège de France HPPT), est désormais illustré et précisé par l’archéologie. À Apollonia du Pont, les tombes à inhumations des IVe et IIIe siècles avant J.‑C. contiennent des lécythes dont le bris rituel du col indique que l’onguent a bien été utilisé pour préparer le corps pour son voyages vers l’au-delà (A. Hermary (dir.), Apollonia du Pont (Sozopol). La nécropole de Kalfata (Ve–IIIe s. av. J.‑C.), Arles, Actes Sud/Errance, 2010, p. 148-150). Des pratiques analogues sont attestées en Gaule romaine, par exemple dans la tombe 273 de la nécropole de Pont-L’Évêque à Autun.
6. ↑ R. M. Belgiorno (dir.), I profumi di Afrodite e il segreto dell’olio, Roma, Gangemi, 2007.
7. ↑ J’exclus de cette liste l’installation d’En Boqeq en Israël interprétée comme une officine de parfums par M. Fischer, M. Gichon, O. Tal (« En Boqeq, Excavations in an Oasis on the Dead Sea », II, The Officina, An Early Roman Building on the Dead Sea Shore, Mainz, Ph. Von Zabern, 2000), car je pense que, contrairement à la publication, il s’agit du bâtiment d’une exploitation de palmiers-dattiers et non d’une officine pour préparer des parfums.
8. ↑ Un graffito sur un aryballe en bucchero nero daté vers 625 porte la mention du propriétaire et les mots : aska mi elevaina (D. Briquel, « Les inscriptions portées sur les vases à parfum étrusques », dans Parfums de l’Antiquité. La rose et l’encens en Méditerranée, catalogue de l’exposition du Musée Royal de Mariemont, 2008, p. 121-126).
9. ↑ Sur le styrax, voir l’excellent article de S. Amigues, « Le styrax et ses usages antiques », Journal des Savants, juillet-décembre 2007, p. 261-318.
10. ↑ B. Porten, Archives from Elephantine. The Life of an Ancient Jewish Military Colony, Berkekey, University of California Press, 1968, p. 92-93.
11. ↑ G. Buchner, C. F. Russo, La Coppa di Nestore e un’iscrizione metrica da Pithecusa dell’VIII secolo a.C., Accademia Nazionale dei Lincei Rendiconti della Classe di Scienze Morali, Storiche e Filologiche, vol. 10, Roma, 1955. G. Buchner, D. Ridgway, Pithekoussai I. La necropoli, Monumenti Antichi, Serie Monografica, Accademia Nazionale dei Lincei, Roma, 1993.
12. ↑ C. Dorion-Peyronnet dans ce volume, p. 33-46.
13. ↑ M.-D. Nenna, V. Arveiller-Dulong, Verres antiques du Musée du Louvre – Vol. I : Les contenants à parfum en verre moulé sur noyau et la vaisselle moulée (VIIIe siècle av. J.‑C.-Ier siècle apr. J.‑C.), Paris, Réunion des musées nationaux, 2000.
14. ↑ Plaute, Poenulus, 265-267 : « ces piliers de bordels, ces filles dégoulinant d’huile de jonc ».
15. ↑ M. Iozzo, « La tomba e il profumo di Thana Plecunia di Chiusi », dans D. Frère, L. Hugot (éds.), Les huiles parfumées en Méditerranée occidentale et en Gaule, VIIIe s. avant J.‑C.-VIIIe s. après J.‑C., Rennes / Naples, PUR / Centre Jean Bérard, 2012, p. 167-178.
16. ↑ V. R. Anderson-Stojanović, « The Chronology and Function of Ceramic Unguentaria », American Journal of Archaeology 91, 1987, p. 105-126.
17. ↑ Une inscription mentionne la Via Sacra (CIL VI, 1974, unguentarius de via Sacra ; AE 1932, n° 22 datée de 35 avant J.‑C.) et un passage de Martial évoque le vicus unguentarius : E. Rodriguez-Almeida, « Note di topografia romana. Cosmus myropola, il vicus argentarius e i penetralia Pallados nostrae (Martial IV, 53) », RIA 8-9, 1985-1986, p. 111-117.
18. ↑ Varron, Sat. Men. 103, 6.
19. ↑ ILS 1224b = CIL X 1696-1697 : clivi vitrari sive vici turari. M.-T. Raepsaet-Charlier, F. Allé, « Les métiers du parfum à Rome : le témoignage des sources écrites », dans Parfums de l’Antiquité. La rose et l’encens en Méditerranée, catalogue de l’exposition du Musée Royal de Mariemont, 2008, p. 287-294 et F. Allé, Ibid., p. 443-444.
20. ↑ M.-L. Bonsangue, N. Tran, « Le métier de parfumeur à Rome et dans l’Occident romain », dans Parfums et odeurs de l’Antiquité, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 253-262. M.-T. Raepsaet-Charlier, F. Allé, « Les métiers du parfum à Rome : le témoignage des sources écrites », dans Parfums de l’Antiquité. La rose et l’encens en Méditerranée, catalogue de l’exposition du Musée Royal de Mariemont, 2008, p. 287-294.
21. ↑ Martial III, 55 ; III, 82 ; X, 26, 3.
22. ↑ J.-P. Brun, « The production of perfumes in Antiquity. The cases of Delos and Paestum », American Journal of Archaeology, 104, 2000, p. 277-308.
23. ↑ W. Jongman, « The Early Roman Empire: Consumption », dans W. Scheidel, I. Morris and R. P. Saller (eds.), The Cambridge Economic History of the Greco-Roman World, Cambridge, 2007, p. 592-618, p. 602.
24. ↑ M. S. Busana, P. Basso (eds.), La lana nella Cisalpina romana, Padova, Padova University Press, 2012.
25. ↑ J.-P. Brun, A. Bülow-Jacobsen, D. Cardon, H. Cuvigny (éd.), M. Leguilloux, M.-A. Matelly, M. Reddé, De Coptos à Myos Hormos, Recherches sur l’organisation et la protection de la piste caravanière de la Mer Rouge à l’époque romaine, Le Caire, IFAO, 2003.
26. ↑ Dans mes calculs, j’ai pris le cas des forts de Dios (fondé en 115, abandonné au milieu du IIIe siècle) et de Xéron (fondé probablement en 77 et abandonné vers 260), mais il faudrait affiner en séparant les lots par périodes et en incluant d’autres forts. Comme il est difficile de séparer flacons à parfums et ceux contenant des cosmétiques, j’ai décidé d’inclure les flacons de type Harden 1936, n° XIII que nous savons être des flacons à khôl et les bouteilles Isings 1957, n° 50 qui sont probablement des contenants d’huile parfumées d’une contenance nettement supérieure aux unguentaria individuels. On devait les utiliser pour les transports et le stockage de grosses quantités.
Dios : total vaisselle et flacons : 7086 NMI ; total verre : 336 NMI ; vaisselle en verre : 194 NMI ; flacons à parfum en verre : 86 NMI ; flacons à khôl Harden XIII : 56 NMI ; flacons à parfum en céramique : 32 NMI. Le verre représente 4,7 % de l’ensemble des objets, et les flacons, 28 % des vases de verre en incluant les bouteilles Isings 50. Xeron : total vaisselle et flacons 3419 NMI ; total verre : 280 NMI ; vaisselle en verre : 210 NMI ; flacons à parfum en verre : 41 NMI ; flacons à khôl Harden XIII : 29 NMI ; flacons à parfum en céramique : 10 NMI. Le verre représente 8 % de l’ensemble des objets, et les flacons, 17 % des vases de verre en incluant les bouteilles Isings 50.
27. ↑ Le prix moyen d’un esclave qui s’établissait autour de 6 tonnes de blé au Ier siècle est fixé à 3 tonnes en 301 et cette baisse s’accentue par la suite (Jongman, 2007).
28. ↑ L. Robin, T. Silvino, avec la collaboration de N. Garnier, « Les balsamaires en contexte funéraire à Lyon/Lugdunum (Ier–IIe s. apr. J.‑C.). Un état de la question », dans D. Frère, L. Hugot (dir.), Les huiles parfumées en Méditerranée occidentale et en Gaule, VIIIe s. avant J.‑C.-VIIIe s. après J.‑C., Rennes / Naples, PUR / Centre Jean Bérard, 2012, p. 179-189. V. Bel, Pratiques funéraires du Haut-Empire dans le Midi de la Gaule : La Nécropole gallo-romaine du Valladas à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), Monographie d’Archéologie Méditerranéenne, 11, 2002.
29. ↑ « Les objets de toilette de la femme (mundus muliebris) sont ce qui sert à la rendre plus propre. Elle comprend le miroir, le pot de chambre (matula), les parfums (unguenta), les flacons à parfums (vasa unguentaria) et les choses semblables comme le bassin (lavatio) et le riscus (coffre en osier recouvert de cuir) » (Digeste 34,2, 25,10).
30. ↑ M. S. Arena, P. Delogu, L. Paroli, M. Ricci, L. Sagui, L. Venditteli, Roma. Dall’antichità al Medioevo. Archeologia e storia nel Museo Nazionale Romano Crypta Balbi, Roma, Electa, 2001, p. 312-313.
31. ↑ Trois flacons à col en entonnoir sont attestés au Forum de Nerva (Arena et alii, 2001, p. 573-575).
32. ↑ En 1194, le pape excommunie le peuple et le clergé de Foggia interdisant de conficere crisma : P. Ditchfield, La culture matérielle médiévale : L’Italie Méridionale byzantine et normande, École française de Rome, 2007, p. 300-301.
33. ↑ É. Marlière, L’outre et le tonneau dans l’Occident romain, Montagnac, éd. M. Mergoil (Monographies Instrumentum 22), 2002.
É. Marlière, J. Torres Costa, « Tonneaux et amphores à Vindolanda : contribution à la connaissance de l’approvisionnement des troupes stationnées sur le mur d’Hadrien (II) », dans A. Birley, J. Blake (dir.), Vindolanda: The Excavations 2003-2004, Bardon Mill, 2005, p. 214-236.
J.-P. Brun, « La viticulture en Gaule tempérée », dans M. Poux, J.-P. Brun, M.-L. Hervé, La vigne et le vin dans les Trois Gaules. Gallia 60.1, 2011, p. 1-12.
34. ↑ À la fin de la République et au début de l’Empire, l’alun était commercialisé en amphores fabriquées à Lipari et à Melos, îles où l’alun était récolté. La fin de la production de ces amphores, dans le courant du IIe siècle de notre ère, ne signifie probablement pas un effondrement de la consommation de ce produit nécessaire à la teinture des tissus et au tannage de certains cuirs (et donc pas une crise de ces secteurs artisanaux), mais elle traduirait plutôt une innovation technique qui aurait permis de se passer de contenants en céramique coûteux et fragiles. C’est peut-être de cette période que date la technique de l’alun « artificiel » consistant à brûler les pierres d’alunite. Le produit obtenu est un alun en poudre aisément transportable en sacs (Ph. Borgard, J.-P. Brun, M. Picon (éds), L’alun de Méditerranée, Actes du colloque international, Naples-Lipari, 2003, Collection du Centre Jean Bérard, 23, 2006).